dimanche 26 février 2017

Nicodème





           
L'Ecriture nous donne maints exemples de personnes qui, saisies par la grâce de Dieu, sont passées, en peu de temps, des ténèbres à la lumière, du pouvoir de Satan à Dieu (Act. 26 : 18) : tels la femme de Samarie (Jean 4), le brigand sur la croix (Luc 23), l'intendant de la reine Candace (Actes 8), Saul de Tarse (Actes 9), Lydie et le geôlier de Philippes (Actes 16) et bien d'autres. Mais quelquefois, l'âme appelée progresse lentement dans le chemin qui la libérera du péché, du moi et du monde. Ce fut le cas pour Nicodème.
 
            Nicodème était un pharisien, docteur de la loi, un homme respectable. Il avait vu les miracles que Jésus faisait et avait acquis la certitude qu'une telle puissance révélait une origine divine. «Personne ne peut faire ces miracles que toi tu fais si Dieu n'est avec lui » ( Jean 3 : 2). Il avait soif de vérité. Il fallait qu'il sache qui était Jésus. Lui, le docteur de la loi, versé dans la connaissance des Ecritures, irait l'interroger. Mais quelque chose le retenait : ne risquait-il pas, en agissant ainsi, de se discréditer auprès des Juifs ?
            Il va donc « de nuit » à Jésus. La grâce l'accueille. Jésus ne lui fait aucun reproche. Il lui parle de la nécessité, pour tout homme qui veut entrer dans le royaume de Dieu, de naître de nouveau, et de l'amour divin qui ne peut plus se contenir dans les limites d'Israël : Dieu a aimé le monde et a donné son Fils pour sauver quiconque croit. Quel merveilleux message annoncé à cet homme dont la démarche timorée était un bien petit commencement. Mais Dieu ne méprise jamais une âme qui le cherche, même si, par crainte de l'opprobre, elle se cache pour aller à lui. Il ira même à la rencontre de celle qui, honteuse de sa vie de péché, fuit les regards de ses semblables (Jean 4).
 
            Assez longtemps après cette rencontre du Maître avec Nicodème, « les pharisiens et les principaux sacrificateurs envoyèrent des huissiers » pour prendre Jésus (Jean 7 : 32). Ceux-ci n'osèrent pas l'arrêter ; revenus vers les pharisiens, ils s'attirèrent de sévères reproches : « Pourquoi ne l'avez-vous pas amené?... Vous aussi, êtes-vous séduits? » (Jean 7 : 45-46). C'est alors que Nicodème sort de l'ombre où il se cache et déclare : « Notre loi juge-t-elle l'homme avant de l'avoir entendu et d'avoir connu ce qu'il fait? » (Jean 7 : 51). Si belle que soit sa protestation, elle reste sans effet. Nicodème n'était pas à sa place. Il était dans le conseil des méchants (Psaume 1 : 1), parmi les pharisiens ; l'Esprit de Dieu souligne qu'il était « l'un d'entre eux ». Comme Lot à Sodome, comme Pierre assis avec les huissiers dans le palais du souverain sacrificateur, Nicodème ne pouvait pas rendre là un témoignage fidèle. La crainte de l'opprobre l'avait empêché de s'engager franchement dans le chemin du Seigneur. Aussi, ses progrès seront-ils bien lents.
            Il y a là une leçon pour chacun de nous. Il faut résolument rompre les liens, quels qu'ils soient, qui nous empêchent de suivre le Seigneur. Ne craignons pas de nous engager pour lui. L'opprobre que nous rencontrerons en le suivant sera plus facile à porter que l'amertume que nous connaîtrions en refusant d'être des témoins. Il faut que, dans le milieu où nous sommes placés, dès le début, et sans nous préoccuper des conséquences, nous affirmions notre foi.
            Le temps passe. La croix jette son ombre sur le chemin du Maître, et Nicodème ne paraît plus sur la scène. Ne se décidera-t-il donc pas pour Jésus ? Attendra-t-il qu'il soit trop tard ? Il nous faut arriver au chapitre 19 de l'évangile de Jean pour le retrouver.
 
            Ce que Jésus avait annoncé à Nicodème, lors de sa première rencontre, s'est réalisé : le fils de l'homme a été élevé sur la croix.
            Le monde est arrivé à ses fins: il a ôté de la terre des vivants Celui que Dieu lui avait envoyé; la nation juive a mis à mort le Juste ; Satan lui- même semble avoir remporté la victoire : il a « brisé le talon » (Gen. 3 : 15) du Serviteur parfait. Mais, maintenant que les hommes ont achevé leur horrible forfait, Dieu va intervenir et manifester par la résurrection la victoire complète sur Satan, le monde et le péché, de Celui qui l'a parfaitement glorifié dans sa vie et dans sa mort.
            Pour rendre au corps de son Fils bien-aimé, encore cloué sur la croix, les soins dont il est digne, Dieu appelle deux hommes. Qui choisit-il pour un si précieux service ? Joseph d'Arimathée, « disciple de Jésus, en secret par crainte des Juifs », et Nicodème qui, « au commencement était allé de nuit à Jésus ». Telle est la grâce divine. Elle veut fournir aux disciples hésitants une occasion de déclarer hautement leur foi et d'honorer le Maître qu'ils n'ont pas osé suivre ouvertement.
            Nicodème vient à la croix, apportant une mixtion de myrrhe et d'aloès pour embaumer le corps de Jésus. Précaution inutile montrant son ignorance : il n'était pas possible que ce corps vit la corruption (Ps. 16 : 10). Marie, plus intelligente et plus dévouée au Seigneur, n'avait pas attendu ce moment pour oindre de parfum les pieds de son Maître (Jean 12). On est heureux, pourtant, de voir enfin Nicodème changer de camp et, foulant aux pieds sa réputation de pharisien et de chef du peuple, s'occuper avec amour et vénération du corps de Jésus.
            « Il est réconfortant de suivre les pas hésitants de cet homme sur la route qui conduit à Dieu, à côté de la marche rapide et lumineuse de ces esprits plus vifs, plus ardents, qui ornent les pages de l'évangile. Nicodème se faufile parmi eux et le lecteur, plus attiré vers ceux-ci, en vient presque à le perdre de vue. Mais la grâce ne l'avait pas abandonné. Elle se complaît plutôt à amener enfin le lent Nicodème dans la compagnie des plus vivants d'entre eux. Quelle puissance dans la grâce qui transporte le coeur hésitant de ce chef des Juifs autrefois retenu par ses attaches avec les pharisiens ! » (J.G. Bellett).
 
 
            Si, pour nous qui sommes si souvent lents, paresseux, craignant l'opprobre, hésitant à nous engager plus délibérément dans le chemin du Seigneur, l'histoire de Nicodème peut être un encouragement, elle est aussi un avertissement sérieux. Cette lenteur de coeur n'est pas de Dieu ; elle est à notre honte. Et si la grâce vient quand même à notre rencontre pour nous bénir malgré tout, elle doit nous humilier d'autant plus. Et puis, prenons garde : il peut arriver que dans son juste jugement, Dieu dise de nous comme il dut dire autrefois de son peuple qui s'était éloigné de lui et attaché aux idoles : « Laisse-le faire » (Osée 4 : 17). C'est l'une des paroles les plus solennelles que nous trouvons dans l'Ecriture. Israël a lassé la patience de Dieu, Dieu l'abandonne. Il restera toujours vrai que, quelles que soient les richesses infinies de la grâce divine, « on ne se moque pas de Dieu car ce qu'un homme sème, cela aussi il le moissonnera » (Gal. 6 : 7).
                                                                  
 
                                                             E. A – article paru dans « Feuille aux jeunes »
 

vendredi 24 février 2017

Faut-il avoir peur de la critique textuelle ? par Jean-Marc Berthoud



La critique textuelle est une question qui est bien trop souvent passée sous silence dans les milieux évangéliques et réformés confessants. D’une manière générale, la critique textuelle – ce que le jargon exégétique allemand appelle la «basse critique» pour la distinguer de la prétendue «haute critique» qui œuvre, depuis belle lurette, à la déconstruction du texte de la Bible – est assez bien reçue dans les milieux qui restent attachés à l’inspiration, à l’infaillibilité et à l’autorité de la Bible.
En gros, la haute critique avec sa recherche de sources, ses hypothèses sur la datation des livres bibliques, sur les diverses théologies des évangélistes, de Paul, de Jean, de Pierre, ses spéculations sur la forme des textes, etc., est encore considérée avec une assez grande méfiance. Ce n’est pas le cas pour la basse critique (ou la critique textuelle), dont les présupposés ont été adoptés pour l’établissement du texte grec à la base de la plupart de nos traductions de la Bible. Ainsi, bien des passages de nos Bibles figurent entre crochets carrés, et les notes qui accompagnent ces crochets sont truffées d’indications selon lesquelles tel ou tel passage ne se trouverait pas dans «les plus anciens manuscrits», ou encore qu’il ne figurerait pas dans «les meilleurs manuscrits»1. Le lecteur qui, frappé par de telles indications, voudrait en savoir davantage, reste sur sa faim. Pourquoi, peut-il se demander, un manuscrit «ancien» en majuscules grecques (IVe siècle) serait-il nécessairement «meilleur» qu’un manuscrit «nouveau» écrit en minuscules (IXe siècle). Une Bible des Témoins de Jéhovah du début de XXe siècle serait-elle nécessairement «meilleure» qu’une Bible à la Colombe de la fin de ce siècle? Le critère du temps serait-il absolu? Sur la base de quels critères de telles remarques sont-elles faites?

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La première méthode d’établissement du texte du Nouveau Testament a, dans sa phase moderne, pris un essor à partir de la publication du Nouveau Testament grec par Erasme en 1516 à Bâle et, presque simultanément en Espagne, par une équipe de biblistes sous la direction du Cardinal Ximenes. Les deux textes, établis à partir de manuscrits grecs du Nouveau Testament, provenaient de ce que nous appelons aujourd’hui la tradition «Byzantine». La seconde, qu’on appelle couramment «éclectique», a pris son envol principal à partir de la découverte par Tischendorf, en 1859, d’un texte très ancien du Nouveau Testament dans un monastère orthodoxe au pied du Mont Sinaï. Cette découverte fut confortée par la mise en lumière, à la même époque, d’un manuscrit de type semblable – le Vaticanus – lui aussi issu de la tradition «alexandrine» des manuscrits du Nouveau Testament. Cette dernière tient depuis lors le haut du pavé dans les milieux académiques; tandis que la première y est aujourd’hui presque totalement méconnue, même dans les milieux réformés et évangéliques qui se veulent fidèles à l’inspiration et à l’autorité de la Bible:
«On peut même dire que la critique textuelle moderne du Nouveau Testament est fondée sur une conviction fondamentale que le vrai texte du Nouveau Testament ne se trouve en tout cas pas dans la majorité des manuscrits. […] Ce rejet du texte traditionnel, c’est-à-dire du texte préservé et transmis par les Eglises, n’est pas le sujet de discussions orales ni de débats écrits, c’est un fait accompli. […] Une investigation critique des raisons pour un tel rejet du texte byzantin rencontre rapidement la difficulté que ce rejet est accepté au XXe siècle comme un fait mais n’est aucunement défendu, n’étant pas une proposition susceptible d’être discutée.»2
Signalons d’abord, très brièvement, quelques erreurs de fait dans la position soutenue par les partisans de la critique textuelle3.
– Il est faux d’affirmer que l’on commence aujourd’hui «depuis peu» à s’intéresser aux citations bibliques chez les Pères ainsi qu’aux lectionnaires (recueils de textes liturgiques tirés du Nouveau Testament). Il n’est que de constater les recherches impressionnantes dans ce domaine du plus grand adversaire au XIXe siècle de la nouvelle critique textuelle du Nouveau Testament, John William Burgon (1813-1888). Burgon – à l’encontre de ses collègues éclectiques, les Tischendorf, Westcott et Hort et leurs nombreux disciples qui se rabattaient essentiellement sur les textes de base de la tradition Alexandrine, (le Sinaïticus et le Vaticanus) – faisait un usage systématique de tous les documents à sa disposition, ce qui incluait les citations bibliques des Pères ainsi que les lectionnaires. C’est sa connaissance exemplaire de ce dernier domaine qui lui a permis de donner une explication au fait que le texte de la femme prise en flagrant délit d’adultère (Jean 7: 53-8:11) ne figure pas dans certains manuscrits anciens de l’évangile de Jean. Comme Burgon l’a admirablement démontré dans son étude «Pericope de adultera»4, la raison essentielle de l’absence de ce passage dans certains manuscrits se trouve dans le fait qu’il provenait de lectionnaires liturgiques (choix de textes bibliques destinés à êtres lus pendant le culte) et non du texte suivi de l’évangile de Jean. Précisons-le, les problèmes auxquels nous nous adressons ici ne concernent en fait que certains manuscrits défectueux du Nouveau Testament qui, par contraste avec la Tanak juive (l’Ancien Testament des chrétiens) dont le texte fut remarquablement préservé par la tradition massorétique, connaissent un nombre impressionnant de variantes.
Ceci nous amène à un deuxième point. Il est erroné de faire une opposition dialectique entre le camp «scientifique» – celui des partisans de la méthode éclectique – au camp des «fondamentalistes», les adhérents dogmatiques du texte reçu, ecclésiastique ou traditionnel du Nouveau Testament. Mais la difficulté est que cette opposition scientifique-fondamentaliste est tout simplement fausse. En réalité, il a existé (et il existe toujours) deux écoles de critique textuelle du Nouveau Testament, toutes deux ayant des prétentions strictement «scientifiques», mais dont les principes méthodologiques sont fondamentalement différents.
La suite de nos remarques sera essentiellement consacrée à une brève tentative de combler ce silence sur la méthodologie.

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i) Ceux qui sont pour la «nouvelle critique textuelle» nous parlent, d’abord, de la tradition scientifique de l’étude du Nouveau Testament, accusée de pratiquer une espèce de «terrorisme intellectuel» par sa prétention à aboutir à des conclusions intellectuellement contraignantes. Il s’agit ici de la méthode dite éclectique. Car nous avons affaire à un assemblage de divers textes établis en théorie sans a priori doctrinal et provenant d’une variété de manuscrits mis sur pied d’égalité et dont la lecture correcte serait choisie par les critiques selon certaines règles dans le dessein de tenter de reconstituer le texte original (considéré comme perdu) du Nouveau Testament. Les grandes figures de cette tradition qui, sur le plan textuel met le Nouveau Testament sur le même plan que n’importe quel autre livre humain, sont Lachmann, Tischendorf, Tregelles, Wescott, Hort, Nestle, Aland, Metzger, etc.
Pour cette tradition, il ne saurait, en aucun cas, être question d’affirmer que le Saint-Esprit aurait pu objectivement œuvrer dans l’histoire en vue de la préservation du texte du Nouveau Testament et le protéger ainsi des défaillances humaines des copistes et de la malveillance des ennemis de la foi. Cette méthode, aujourd’hui partout dominante, se rapporte manifestement à la tradition de l’esprit des Lumières du XVIIIe siècle, celle d’une modernité aux tendances résolument naturalistes, réductionnistes et scientistes.
ii) L’autre tradition, affublée du titre de «fondamentalisme rationaliste», a elle aussi des prétentions à être parfaitement scientifique. Seulement, elle affirme, sur la base des enseignements de la Bible, que le texte du Nouveau Testament, par son inspiration divine et son infaillibilité, possède un caractère qui lui est propre. Ce fait nécessite, pour son étude, l’utilisation d’une méthode appropriée au statut épistémologique exceptionnel de ce livre dont Dieu serait à la fois l’Auteur et le Conservateur. Sur ce point, on ne saurait mieux faire que citer les remarques éclairantes d’un des principaux protagonistes de cette méthode scientifique fondée sur des présupposés bibliques, Edward F. Hills. C’est un spécialiste de l’étude textuelle du Nouveau Testament formé au Wesminster Theological Seminary sous John Murray, Edward J. Young et Cornelius Van Til et, par la suite, aux Universités de Yale et de Harvard. Voici ce qu’il écrit:
«Ainsi il y a deux méthodes de critique textuelle du Nouveau Testament, une méthode chrétienne conséquente et une méthode naturaliste. Ces deux méthodes traitent des mêmes matériaux, des mêmes manuscrits grecs et des mêmes traductions de citations bibliques, mais ils interprètent ces matériaux différemment. Les méthodes chrétiennes conséquentes interprètent les matériaux de la critique textuelle du Nouveau Testament en fonction des doctrines de l’inspiration divine et de la préservation providentielle des Ecritures. La méthode naturaliste interprète ces mêmes matériaux en fonction de sa propre doctrine selon laquelle le Nouveau Testament n’est rien d’autre qu’un livre humain.»
Et Hills ajoute,
«Il est triste de constater que les savants modernes qui ont des convictions bibliques n’ont manifesté que peu d’intérêt pour l’idée d’une critique textuelle du Nouveau Testament systématiquement chrétienne. Pour plus d’un siècle, la plupart se sont contentés de suivre dans ce domaine les méthodes naturalistes de Tischendorf, Tregelles, et de Westcott et Hort [avec comme conséquence que] les principes et les méthodes de la critique textuelle naturaliste du Nouveau Testament se sont répandus dans tous les domaines de la pensée chrétienne produisant à la longue une véritable famine spirituelle.»5
Les travaux de Hills ne sont que l’aboutissement au XXe siècle d’une tradition plus ancienne d’étude des textes manuscrits du Nouveau Testament à la fois rigoureusement scientifique et méthodologiquement fondée sur des présupposés chrétiens. Cette tradition était dite ecclésiastique, car elle avait comme base les textes reçus comme faisant autorité dans l’Eglise grecque d’Orient. Ce fut la tradition utilisée par le Cardinal Ximenes de l’école espagnole, par Erasme de Rotterdam, par Robert Estienne, par Théodore de Bèze, par les Elzevirs hollandais (qui ont fixé le Textus receptus), de John Owen6 et de David Martin. Disons, en passant, que la Bible de David Martin7, récemment rééditée au Texas, est un des rares textes de la Bible française, aujourd’hui disponible en librairie, qui nous donne une traduction en fonction du texte Ecclésiastique (ou Byzantin) du Nouveau Testament. Cette anomalie n’existe ni pour l’anglais (la version King James), ni pour l’allemand (la Bible de Luther), ni même pour l’espagnol (la Bible Reina-Valera), toutes couramment disponibles en versions modernisées.
Cette tradition textuelle «ecclésiastique» fut reprise au XIXe siècle, particulièrement en Angleterre, puis au XXe des savants américains en prirent la relève. Parmi les figures éminentes de cette école peu connue de critique textuelle du Nouveau Testament, citons les noms suivants: John William Burgon8, T. R. Birks9, E. Miller10, F. H. A. Scrivener11 au XIXe siècle; puis au XXe, nous trouvons Edward F. Hills12, Wilbur N. Pickering13 et Theodore P. Letis14, et enfin, Jakob van Bruggen, professeur de Nouveau Testament au Collège Théologique Réformé de Kampen aux Pays-Bas15. Le texte traditionnel grec du Nouveau Testament est aujourd’hui à nouveau disponible en librairie dans l’édition établie par les soins de Zane Hodges et de A. Forstad16.
La position textuelle traditionnelle ou ecclésiastique défendue par cette école peut se targuer d’avoir pour base de sa démarche, non seulement une analyse scrupuleusement scientifique des textes, mais également des positions confessionnelles réformées classiques. C’est ainsi que dans La confession de foi de Westminster, traitant de L’Ecriture Sainte, nous lisons:
«L’Ancien Testament – en hébreu (langue maternelle de l’ancien peuple de Dieu) et le Nouveau Testament en grec (langue la plus répandue parmi les Nations à l’époque de sa rédaction), directement inspirés par Dieu et gardés purs, au long des siècles, par sa providence et ses soins particuliers, sont authentiques.»17 (I.8)
Et dans la dernière des Déclarations confessionnelles réformées, le Consensus helvétique de 1675 nous pouvons lire au Canon I:
«Dieu, dont la bonté et la grandeur sont infinis, a non seulement fait rédiger par écrit par Moïse, par les prophètes et par les apôtres, la Parole qui est la puissance à tout croyant, mais il a encore, jusqu’à cette heure, veillé continuellement avec une affection paternelle sur ce Livre pour empêcher qu’il ne fut pas corrompu par les ruses de Satan, ou par quelque artifice des hommes. L’Eglise reconnaît donc avec beaucoup de raison que c’est à une grâce et une faveur de Dieu toute particulière, qu’elle est redevable de ce qu’elle a et de ce quelle aura jusqu’à la fin du monde. La parole des prophètes renferme les Saintes Lettres, dont un seul point et un seul iota ne passera point, non pas même quand les cieux et la terre passeront.»18

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i) Les problèmes textuels que nous posent un certain nombre (moins de 20%) des manuscrits ne concernent pas du tout le texte Massorétique de l’Ancien Testament, car les scribes de la Synagogue exerçaient une discipline sévère sur le travail de copie des manuscrits de la Tanak.
ii) L’immense majorité – de 80 à 90% des manuscrits du Nouveau Testament actuellement disponibles, les minuscules de la tradition ecclésiastique de l’Eglise grecque d’Orient – sont pour l’essentiel unanimes. Wilbur Pickering écrit:
«L’argument tiré de la probabilité statistique revient ici avec une force irréfutable. Non seulement les manuscrits connus nous présentent un texte qui jouit d’une majorité allant de 80-90%, mais les 10-20% des manuscrits restants ne représentent pas un texte concurrent unique. Les manuscrits minoritaires sont autant (sinon plus) en désaccord les uns avec les autres qu’ils le sont avec le texte majoritaire. […] Pour prendre un cas spécifique, dans I Timothée 3:16 plus de 300 manuscrits grecs lisent «Dieu» tandis que seulement 11 ont une autre lecture. Sur ces 11, deux ont une lecture particulière, deux ont une troisième lecture et les sept autres sont d’accord pour lire «qui». Ainsi nous devons juger entre 97% et 2%, entre «Dieu» et «qui». Il est difficile d’imaginer une quelconque série de circonstances dans l’histoire de la transmission des manuscrits qui aurait pu produire un renversement aussi cataclysmique des probabilités nécessaire à l’imposition de «qui» comme lecture correcte.»19
iii) La méthode éclectique de recherche d’établissement du texte du Nouveau Testament se trouve aujourd’hui dans une impasse. Plus personne dans ces milieux ne considère que, par les méthodes à présent presque universellement admises dans les milieux académiques, il puisse encore être possible d’espérer découvrir un texte véritablement authentique du Nouveau Testament. C’est cet état d’incertitude méthodologique que décrit le professeur Jakob van Bruggen en évoquant la situation impossible dans laquelle se trouvent les éditeurs du texte du Nouveau Testament20:
«Cela signifie à nouveau que l’accord s’est fait autour d’un texte de type consensuel qui est fondé sur un principe d’incertitude. Cette fois on n’a pas établi le texte du Nouveau Testament sur une moyenne tirée à partir de trois éditons différentes du texte, comme cela avait été le cas pour les plus anciennes versions du Nestle, mais on a maintenant établi une moyenne entre les opinions de cinq critiques du texte. Aland, Black, Martini, Metzger et Wikgren qui ont ensemble travaillé à fixer le texte du Nouveau Testament grec par voie majoritaire. Il ressort clairement du Commentaire Textuel écrit par Metzger pour ce texte que de nombreuses lectures ont été uniquement choisies par le comité à la majorité des voix. Qu’ils ne soient pas parvenus à l’établissement unanime d’un texte déterminé n’est en soi guère surprenant. Car à présent il n’existe aucune certitude quant à l’histoire de la tradition textuelle. […] L’accord ainsi publiquement fixé concernant l’édition du texte à utiliser ne fait que masquer l’incertitude qui a régné pendant tout le processus d’établissement du texte .»21
iv) L’ancienneté d’un manuscrit ne garantit pas nécessairement sa qualité ni son authenticité. Comme nous l’avons déjà indiqué les manuscrits majuscules, le Vaticanus et le Sinaiticus du IVe siècle ne sont pas, par le seul fait de leur ancienneté, nécessairement de bons textes du Nouveau Testament. C’est également le cas pour les nombreux papyrus découverts dans les sables d’Egypte au cours du XXe siècle qui, pour la plupart, sont des copies très défectueuses de passages du Nouveau Testament. Il se peut fort bien que la préservation étonnante du Sinaiticus et du Vaticanus soit, en fait, due à ce qu’ils n’ont jamais été utilisés dans la liturgie de l’Eglise à cause de leur caractère peu fiable. C’est, par exemple, ce qui pourrait se passer pour une Bible des Témoins de Jéhovah dans une famille chrétienne. Elle n’aurait pas subi l’usure que connaîtrait une Bible plus orthodoxe du fait de son utilisation quotidienne pour le culte de famille.
v) Par contre, la nouvelle critique textuelle pose très explicitement (et très justement) la question suivante: Est-il possible d’exclure la foi de la recherche scientifique? La tradition d’étude prétendument scientifique du texte du Nouveau Testament qui va de Lachmann et de Tischendorf, en passant par Westcott et Hort, jusqu’à Nestle et Aland (ici le nom prestigieux de Warfield doit être ajouté22) affirme, dans la perspective totalement immanente de la modernité, que l’établissement du texte authentique du Nouveau Testament peut, en effet, se passer de la foi du savant, comme si ce texte ne provenait pas du fait de l’action révélatrice de Dieu lui-même, action surnaturelle qui fait partie de la nature même de l’objet étudié. C’est ainsi que cette tradition méthodologiquement incrédule affirme que le texte des Ecritures n’a aucunement eu besoin, pour sa préservation contre les attaques du diable et des effets destructeurs de la malice des hommes, de l’action du Saint-Esprit.
Tout au contraire, la tradition véritablement scientifique de l’étude des manuscrits du Nouveau Testament tient compte de la nature surnaturelle de l’objet de ses recherches. On a vu comment la tradition textuelle de l’Eglise ancienne, ressuscitée lors de la Réformation du XVIe siècle, et reprise par les Burgon, Scrivener, Hills, Pickering et Hodges des XIXe et XXe siècles, respecte, dans son étude scientifique du texte sacré, la manière surnaturelle merveilleuse par laquelle le Dieu Souverain a préservé, et préservera encore, contre les assauts d’une fausse science qui ne sait mettre Dieu dans ses pensées.
Terminons par une question. A quoi pourrait donc servir la doctrine de l’inspiration, l’infaillibilité et l’inerrance divines de la Bible si le texte qui se trouve entre nos mains ne se trouvait pas être entièrement digne de notre foi?

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Contrairement aux doutes que pourraient susciter en nous une science incrédule qui cherche à se passer de Dieu, même quand elle étudie son Saint Livre, on peut paisiblement affirmer que ce Livre est bel et bien pleinement digne de foi. Car Dieu a veillé avec tant de soin sur la transmission à travers les âges du texte de sa Parole écrite que, malgré les falsifications de ceux qui s’établissent eux-mêmes, à la place du Saint-Esprit, comme juges de ce qui est de Dieu et de ce qui ne l’est pas, nous pouvons, encore aujourd’hui, malgré le magma des éditions sans nombre de Bibles fondées sur des textes partiellement falsifiés, encore retrouver des traductions de la Sainte Ecriture en français qui ne trahissent pas le texte de la Parole de Dieu donnée aux hommes une fois pour toutes afin que, par son témoignage infaillible, ils puissent véritablement connaître avec exactitude la pensée de Dieu23, à savoir les Bibles Martin24, Ostervald25 et celle de la Trinitarian Bible Society26.



* J.-M. Berthoud habite à Lausanne. Il est écrivain et dirige la collection «Messages» aux éditions de l’Age d’Homme.

1C’est le cas, par exemple, pour la Bible à la Colombe.
2 J. van Bruggen dans son ouvrage, The Ancient Text of the New Testament (Premier Publishing: Winnipeg, 1988 [1978]), 11,13,14.
3 C’est la position proposée, dans l’article précédent, par Alain-Georges Martin. (N. D. L. R.)
4 J. W. Burgon, «Pericope de adultera» in: The Causes of the Corruption of the Traditional Text of the Holy Gospels (The Dean Burgon Society, P. O. Box 354, Collingswood, NJ 08108, 1998 [1896]), 232-265.
5 E. F. Hills, The King James Version Defended (The Christian Research Press, P. O. Box 2013, Des Moines, Iowa 50310, USA, 1984 [1956]), 3.
6 J. Owen, «Integrity and Puritiy of the Hebrew and Greek Text» in John Owen, Works, XVI, «The Church and the Bible», (Edimbourg: The Banner of Truth Trust, 1976 [1658]), 281-421.
7 La Sainte Bible qui contient le Vieux et le Nouveau Testament, expliqué avec des notes de Théologie et de Critique sur la Version ordinaire des Eglises Réformées, revue sur les Originaux, et retouchée dans le langage […] par David Martin (Deux Volumes, Folio, Amsterdam, 1707).
8 J. W. Burgon, The Last Twelve Verses of Mark (Grand Rapids: Associated Publishers and Authors, s.d. [1871]) avec une importante introduction de 50 pages de Edward F. Hills; The Revision Revised, A. G. Hobbs (P.O. Box 14218, Fort Worth, Texas 76117), 1983 [1883]; The Traditional Text of the Holy Gospel Vindicated and Established (Dean Burgon Society Press, Box 354, Collingswood, New Jersey 08108, U.S.A., 1998 [1896]); The Causes of the Corruption of the Traditional Text of the Holy Gospels (Dean Burgon Society Press, 1998 [1896]).
9 T. R. Birks, Essay on the Right Estimation of Manuscript Evidence in the Text of the New Testament (Londres: 1878).
10 E. Miller, A Guide to the Textual Criticism of the New Testament (London, 1886).
11 F. H. A. Scrivener, A plain Introduction to the Criticism of the New Testament (London: George Bell, 1894, 2 vols.).
12 E. F. Hills, The King James Version Defended, The Christian Research Press (P. O. Box 2013, Des Moines, Iowa 50310, USA, 1984 [1956]); Believing Bible Study (CRP, 1991 [1967]); «Introduction» dans J. W. Burgon, The Last Twelve Verses of Mark (Grand Rapids: Associated Publishers and Authors, s.d).
13 W. N. Pickering, The Identity of the New Testament Text (Nashville: Thomas Nelson,1980 [1977]). De cet ouvrage, D. A. Carson, dans son livre, The King James Version Debate, écrivait: «Il s’agit de la plus impressionnante défense de la priorité du texte Byzantin publiée à ce jour.» De son coté John Wenham écrit dans l’Evangelical Quarterly: «Ce n’est pas souvent qu’on lise un livre qui à pour effet de réorienter entièrement notre approche d’un sujet, mais c’est ce que ce livre a fait pour moi.»
14 Th. P. Letis, éd., The Majority Text. Essays and Reviews in the Continuing Debate, (Institute for Biblical Textual Studies, (P. O. Box 5114, Fort Wayne, Indiana, 46895, U.S.A., 1987); The Ecclesiastical Text. Text Criticism, Biblical Authority and the Popular Mind (The Institute for Renaissance and Reformational Biblical Studies, 6417 N. Fairhill, Philadelphia, PA 19126, U.S.A., 2000).
15 J. van Bruggen, The Ancient Text of the New Testament (Winnipeg: Premier Publishing, 1988 [1978]).
16 Z. Hodges et A. Forstad, The Greek New Testament According to the Majority Text (Nashville, Ten.: Nelson).
17 Les Textes de Westminster (Aix-en-Provence: Kerygma, 1988), 5.
18 J. Gaberel, Histoire de l’Eglise de Genève depuis le commencement de la Réformation jusqu’à nos jours (Genève: Cherbuliez, 1862, Tome III), 496. Une traduction anglaise du Consensus Helveticus se trouve dans John H. Leith (Ed.) Creeds of the Churches (John Knox Press, Atlanta, 1977 [1963]), 308-323.
19 W. Pickering, op. cit., 118-119.
20 Il s’agit ici de la troisième édition du Texte Grec du Nouveau Testament publiée par les Sociétés Bibliques Unies.
21 J. van Bruggen, The Ancient Text of the New Testament, op. cit.,10-11.
22 Voyez de B. B. Warfield, An Introduction to the Textual Criticism of the New Testament, (Londres: Hodder and Stoughton, 1893) et les deux premiers chapitres du livre de Th. P. Letis, The Ecclesiastical Text. Text Criticism, Biblical Authority and the Popular Mind, op. cit., 1-58.
23 Ceci ne veut pas dire que les versions courantes (Colombe, TOB, Darby, Segond, Synodale, Osty, Crampon, Jérusalem [1956], etc.) ne nous permettent pas, par l’action dans notre cœur du Saint-Esprit, de connaître Dieu et sa pensée. Il faut cependant répéter que ces versions ne peuvent tout simplement pas avoir la sûreté de celles qui sont fondées sur la tradition majoritaire du texte grec du Nouveau Testament tel qu’il a depuis toujours été reçu dans les Eglises d’Orient.
24 La Sainte Bible, Version Martin (1855 [1707], Association Biblique Internationale, Box 225,646, Dallas, Texas 7526 5, USA, 1980).
25 Bible, Version Ostervald (Laon, 1996).
26 La Sainte Bible (Londres: Trinitarian Bible Society).
tiré de La Revue Réformée n°216

jeudi 23 février 2017

"Unité" et Vérité, par Martyn Lloyd-Jones

On nous dit que le plus grand besoin de l'Eglise aujourd'hui est de se repentir de son “manque d'unité”.Nous disons qu'avant de se repentir de son “manque d'unité”, l'Eglise ferait mieux de se repentir de son apostasie. Elle doit se repentir d'avoir perverti et cherché à remplacer la “foi confiée aux saints une fois pour toutes”. Elle doit se repentir d'avoir placé sa propre pensée et ses méthodes au dessus de la révélation divine des Saintes Ecritures. C'est là la raison de son manque de puissance spirituelle et de son incapacité à délivrer un message vivant dans la puissance de l'Esprit à un monde qui périt
Martin Lloyd-Jones (1899-1981)

lundi 20 février 2017

LA JOIE D’ALLER A LA MAISON DE L’ETERNEL D’après Martin Schäfer


           David exprime cette joie dans le Psaume 122 : 
« Je me suis réjoui quand ils m’ont dit : Allons à la maison de l’Eternel ! » (v. 1). Quelle joie devrait être aussi la nôtre, chers amis chrétiens, chaque premier jour de la semaine, comme à l’occasion de chaque réunion autour du Seigneur ! Sommes-nous vraiment conscients qu’Il se trouve personnellement au milieu de nous, selon la promesse qu’Il a lui-même laissée à ses disciples : « Là où deux ou trois sont assemblés à mon nom, je suis là au milieu d’eux » (Matt. 18 : 20). Nous sommes, pour ainsi dire, « tous présents devant Dieu » (Act. 10 : 33). La conscience de nous trouver véritablement dans Sa présence, « ayant... une pleine liberté pour entrer dans les lieux saints par le sang de Jésus, par le chemin nouveau et vivant qu’il a ouvert pour nous à travers le voile » (Héb. 10 : 19-20), changera notre attitude lors des réunions. C’est Lui, et non la faiblesse humaine, qui doit être le centre de notre appréciation.

Une préparation active durant la semaine
            Les réunions chrétiennes sont les heures les plus précieuses pour un croyant sur cette terre : éprouver la présence personnelle de son Seigneur, c’est un avant-goût du ciel. Mais la jouissance de cette présence ne se produit pas spontanément ; elle requiert de la préparation au cours de la semaine, et de la méditation. Suis-je prêt à rencontrer le Fils de Dieu ?
            Dans notre vie professionnelle, lorsque nous avons un examen à passer ou un projet important à faire aboutir, ou lorsqu’une cérémonie est prévue, nous nous y préparons avec tout le soin nécessaire - même si, au premier abord, nous n’en avons pas l’envie. Avant un tel rendez-vous, nous nous efforcerons aussi d’être en bonne forme physique et intellectuelle. Il ne devrait pas en être autrement pour la fréquentation des réunions : nous désirerons par exemple, avoir une préparation personnelle au culte par la lecture d’un passage biblique parlant des souffrances du Seigneur ; nous ferons une étude soigneuse, avec prière, du passage qui doit être considéré lors de la réunion d’étude de la Bible ; nous aurons à cœur de rechercher des sujets de prière qui pourront être présentés à la réunion de prière…
            Ne convient-il pas de se préparer ainsi par la prière en vue de ces différentes réunions, en recherchant des moments de tranquillité et d’isolement loin du « bruit de ce monde » ? La prière pour et avant les moments de réunion est une condition certainement très importante pour pouvoir en jouir. La demande de purification de tout péché - parfois caché (Ps. 19 : 13 ; 139 : 24), la prière pour avoir la direction par l’Esprit, pour être gardé de toute distraction intérieure ou extérieure, pour qu’il y ait de la puissance dans la prédication - toutes ces requêtes, et d’autres encore, nous aideront à aller « avec joie » aux réunions. Nous aurons alors certainement beaucoup d’exaucements.

Ne pas laisser nos pensées se détourner de Christ 
            Durant la réunion, nous « concentrer » sur les cantiques, les prières et les passages bibliques, contribue à ne pas laisser nos pensées errer ! Prier pendant les pauses est aussi une chose bonne et utile, au lieu de laisser nos regards vagabonder dans la salle, ou de repenser à nos soucis familiaux ou professionnels.
            S’asseoir et assister au déroulement de la réunion, en laissant la responsabilité aux autres, est malheureusement une habitude assez fréquente. Cependant, du moment que nous sommes appelés à être actifs dans la joie du Seigneur, nous devrions aussi être actifs durant ces heures, alors que nous prenons progressivement conscience de la présence du Seigneur.
            Peut-être pouvons-nous être quelque peu découragés en voyant le petit nombre de frères et de sœurs, mais ce n’est pas un vrai motif. Ne regardons pas à l’aspect extérieur, car nous ne devons rien attendre de la part de l’homme ! Et si même il y avait de nombreux croyants réunis dans une belle salle et des frères manifestement doués, ne devrions-nous pas être intérieurement en prière et attendre tout du Seigneur ? C’est toujours le but de l’Esprit que de diriger nos cœurs vers Christ. Lui laissons-nous toute la place ?

Goûter une joie calme et profonde dans la présence du Seigneur
            Le christianisme est caractérisé principalement par des faits et non par des sentiments. Ce n’est pas parce que je « sens » que je suis sauvé que je me réjouis, mais parce que la Parole de Dieu me le dit, et cela procure un meilleur fondement et une joie durable.
            Les réunions sont caractérisées, en partie, par le rappel de passages bibliques, et ceux-ci peuvent et doivent nous procurer de la joie, de l’émerveillement. Cet « enthousiasme spirituel » se distingue fondamentalement de l’enthousiasme mondain et surtout religieux qui repose sur un débordement excessif de sentiments ; il est toujours accompagné de retenue et de sobriété. Il faut aussi être convaincu que la manière de se réunir est une condition pour gagner des âmes. Mais une participation active aux réunions est « scripturaire » et peut donner à la conviction personnelle et intime la dimension d’une réelle expérience qui nous motive et nous encourage.
            L’appel évangélique résumé par l’expression : « Venez et voyez » (Jean 1 : 39) peut certainement être étendu aux réunions, et notre comportement en influencera aussi d’autres.
            Une réunion dirigée par l’Esprit s’adresse d’abord à notre intelligence spirituelle (voir 1 Cor. 14 : 15). On ne peut pas s’attendre, à chaque cantique ou prière, à voir immédiatement des visages rayonnants ou pleurant de joie. Nous connaissons certainement les habitudes de nos amis chrétiens et leur « manière » d’exprimer leurs sentiments : un frère prie d’une voix émue, un autre plus calmement et peut-être d’une manière un peu monotone, et cependant ce qui est important pour les deux, c’est le contenu présenté sous une forme différente. Nous vivons en Occident et nous avons une culture qui n’est pas particulièrement axée sur l’explosion des sentiments. Mais le Seigneur peut, en certaines circonstances, permettre une réaction visible au sujet traité et une expression plus vive des sentiments. Toutefois, cela ne devrait pas être la règle. Il faut préciser que les sentiments s’estompent rapidement, mais que l’édification intérieure subsiste généralement plus longtemps!
            Si, après les réunions, nous cherchions  à parler à l’un ou à l’autre de ce nous y avons ressenti, nous découvririons peut-être derrière un visage un peu figé une vie spirituellement riche, et nous pourrions nous encourager l’un l’autre à jouir de cette joie profonde dans la présence du Seigneur.

Pas d’entrave à la participation personnelle
            Si tous les hommes sont exhortés à prier (1 Tim. 2 : 8), tous les frères ne devraient-ils pas se préparer à participer activement à la prière ? Si le Seigneur désire que nous nous réunissions pour nous souvenir de Lui, est-ce que chacun ne devrait pas penser à son Rédempteur et, en tant que frère, l’exprimer publiquement au moyen d’une prière adaptée, d’un cantique ou d’une lecture de la Bible ?
            Il est vrai que des « mains saintes » sont requises pour la prière et qu’il s’agit impérativement de prendre la cène « dignement » (1 Tim. 2 : 8 ; 1 Cor. 11 : 27-29). Il devrait aussi y avoir la liberté nécessaire de faire une remarque à un frère. Mais si le cœur est rempli du Seigneur, la bouche ne parlera-t-elle pas avec cette abondance (Matt. 12 : 34) et ne se laissera-t-elle pas utiliser par l’Esprit ? « Fais-moi entendre ta voix » (Cant. 2 : 14). Nous désirons que cette demande de l’époux agisse en nous : le Seigneur désire entendre notre « voix » ! Comme étant l’expression d’un « saint sacerdoce » (1 Pier. 2 : 5), nous sommes tous appelés à rendre culte en esprit, et le Seigneur emploie des frères pour rendre ce service publiquement. Un jeune frère qui, conduit par l’Esprit, présente sa louange en des termes simples et avec cette fraîcheur liée à son âge, ne peut-il pas dissiper l’ennui latent chez  plus d’une personne ?
            Ne pas éteindre l’Esprit, mais en être remplis, doit être notre réel désir ! Nous serons prêts alors à nous laisser conduire par Lui.
            Un point important est encore à considérer. Si nous désirons éprouver personnellement de la joie et de la bénédiction au cours des réunions, la première question qui se pose est celle-ci : procurons-nous de la joie au Seigneur au cours des réunions, par notre comportement, par notre participation active ? Il veut se trouver avec nous (Ex. 29 : 42). Il cherche là son repos (Ps. 132 : 14) et Il désire entonner la louange au milieu des siens (Ps. 22 : 22 ; Héb. 2 : 12) ! Recherchons-nous Sa joie lors des rencontres ? Alors notre joie se manifestera et croîtra elle aussi !

D’après Martin Schäfer

jeudi 16 février 2017

"Rencontrer Jésus dans l'Evangile de Jean"

Chers amis,

Nous sommes heureux de vous annoncer que notre prochaine série de prédications aura pour thème  "Rencontrer Jésus dans l'Evangile de Jean".

Retrouvez ces messages chaque semaine sur notre blog!

SDG
 

La Vraie Grâce de Dieu Par John Nelson Darby

"Je vous ai écrit... attestant que cette grâce dans laquelle vous êtes est la vraie grâce de Dieu." 1 Pierre 5:12 

 Dieu nous est révélé comme le "Dieu de toute grâce"; et la position qui nous est faite est celle où nous "goûtons que le Seigneur est bon" (ou: plein de grâce). Combien il nous est souvent difficile de croire que le Seigneur est bon! Le sentiment naturel de nos coeurs est celui-ci: "Je sais que tu es un homme sévère"; il y a en chacun de nous une incompréhension absolue de la grâce de Dieu. Quelques-uns pensent que le mot grâce implique que Dieu passe par-dessus le péché; mais tel n'est pas le cas; la grâce suppose que le péché est une chose si abominable que Dieu ne peut pas le supporter: s'il était au pouvoir de l'homme, après avoir fait le mal, de redresser ses voies et de corriger sa propre nature de manière à pouvoir se tenir devant Dieu, il n'y aurait nul besoin de grâce. Le fait même que le Seigneur agit en grâce démontre que le péché est une chose si affreuse, que l'état de l'homme est absolument ruiné et sans espoir puisqu'il est un pécheur, et que rien sinon la libre grâce ne pourra répondre à son besoin. Nous devons apprendre ce que Dieu est pour nous, et cela non au moyen de nos propres pensées, mais par la révélation qu'Il nous a donnée de Lui-même, c'est-à-dire "le Dieu de toute grâce". Du moment où je comprends que je suis un homme pécheur, et que le Seigneur est venu à moi parce qu'Il connaissait l'étendue et l'horreur de mon péché, je comprends aussi ce que c'est que la grâce. La foi me montre que Dieu est plus grand que mon péché, et non pas que mon péché est plus grand que Dieu... Le Seigneur que j'ai connu laissant Sa vie pour moi, est le même Seigneur avec lequel j'ai à faire tous les jours de ma vie, et toute Sa manière d'agir envers moi repose sur les mêmes principes de grâce. Le grand secret pour croître, c'est de regarder au Seigneur comme au Dieu de grâce. Combien il est précieux et encourageant de savoir qu'à tout moment Jésus éprouve à mon égard et exerce envers moi le même amour que lorsqu'Il est mort pour moi sur la croix. C'est là une vérité que nous devrions réaliser dans toutes les circonstances les plus ordinaires de la vie. Supposez, par exemple, que j'aie un défaut de caractère qui me paraisse difficile à corriger; si je m'adresse à Jésus comme à mon Ami, Il me fournit la puissance dont j'ai besoin pour le faire. La foi devrait être ainsi constamment en exercice contre les tentations et non pas simplement mes propres efforts qui ne se seront jamais suffisants. La source de la véritable force, c'est le sentiment que le Seigneur est plein de grâce. L'homme naturel ne veut jamais reconnaître Christ comme la seule source de force et de bénédictions. Si ma communion avec le Seigneur est interrompue, mon coeur naturel dira toujours: "Il faut que je corrige ce qui a causé cet état, avant de pouvoir venir à Christ." Mais Il est plein de grâce; et sachant cela, la seule chose que nous ayons à faire, c'est de retourner à Lui, aussitôt, tels que nous sommes, puis alors de nous humilier profondément devant Lui. Ce n'est qu'en Lui que nous trouverons et de Lui que nous recevrons ce qui peut restaurer nos âmes. L'humilité en Sa présence est la seule véritable humilité. Si dans Sa présence nous reconnaissons être exactement ce que nous sommes, nous découvrons qu'Il ne manifeste à notre égard que de la grâce et rien d'autre … C'est Jésus qui donne un repos durable à nos âmes, ce n'est pas notre opinion personnelle sur nous-mêmes. La foi ne considère jamais ce qui est en nous-mêmes comme le fondement du repos; elle reçoit, aime et craint la révélation de Dieu et les pensées de Dieu à l'égard de Jésus en qui se trouve Son repos. Si Jésus a du prix pour nos âmes, si nos yeux et nos coeurs sont occupés de Lui, la vanité et le péché qui nous entourent n'auront pas de prise sur nous; et ce sera aussi là notre force contre le péché et la corruption de nos propres coeurs. 

Tout ce que je vois en moi en dehors de Lui est péché; mais ce qui me rendra humble, ce n'est pas de penser à mes propres péchés, à ma mauvaise nature, et d'en être occupé, c'est au contraire de penser au Seigneur Jésus, de méditer sur l'excellence de Sa Personne. Il est bon d'en avoir fini avec nous-mêmes et de n'avoir à faire qu'à Jésus. Nous avons le droit de nous oublier nous-mêmes, nous avons le droit d'oublier nos péchés, nous avons le droit de tout oublier sauf Jésus. Rien n'est plus difficile pour nos coeurs que de demeurer dans le sentiment de la grâce, de rester pratiquement conscients que nous ne sommes pas sous la loi, mais sous la grâce; c'est par la grâce que le coeur est "affermi", mais rien n'est plus difficile pour nous que de comprendre réellement la plénitude de la grâce, cette "grâce de Dieu dans laquelle nous sommes", et de marcher dans la puissance qui en découle. Ce n'est que dans la présence de Dieu que nous pouvons la connaître et c'est notre privilège de nous trouver là. Dès que nous nous éloignons de la présence de Dieu, nos propres pensées sont toujours à l'oeuvre au-dedans de nous, et nos propres pensées ne peuvent jamais atteindre les pensées de Dieu à notre égard, la "grâce de Dieu." Si je pensais avoir le moindre droit à quelque chose, ce ne serait pas la pure et libre grâce, cela ne pourrait être la "grâce de Dieu"... Ce n'est que dans la communion avec Lui que nous sommes capables de mesurer toutes choses en rapport avec Sa grâce... Lorsque nous demeurons dans le sentiment de la présence de Dieu, il est impossible que quoi que ce soit nous trouble -- fût-ce même l'état de l'Église -- car nous comptons sur Dieu, et toutes choses se trouvent alors pour nous dans une sphère où s'exerce Sa grâce. La vraie source de notre force comme chrétiens c'est d'avoir des pensées très simples au sujet de la grâce; et le secret de toute sainteté, paix et tranquillité d'esprit, c'est de demeurer dans le sentiment de la grâce, en la présence de Dieu. La "grâce de Dieu" est si illimitée, si complète, si parfaite, que si nous nous éloignons pour un moment de la présence de Dieu, nous ne pouvons en avoir une juste appréciation, nous n'avons pas de force pour la saisir; et si nous cherchons à la connaître hors de Sa présence, nous ne pouvons que la changer en licence. Demandons-nous simplement ce que c'est que la grâce? elle n'a ni bornes, ni limites. Quels que nous puissions être (et nous ne pouvons être pires que nous sommes) en dépit de tout, Dieu est AMOUR à notre égard. Ni notre joie, ni notre paix ne dépendent de ce que nous sommes pour Dieu, mais de ce qu'Il est pour nous, et c'est la grâce. La grâce est la précieuse révélation que, par le moyen de Jésus, tout le péché et tout le mal qui est en nous a été ôté. Un seul péché est plus affreux aux yeux de Dieu qu'un millier de péchés ne le sont à nos yeux; et cependant, malgré une connaissance parfaite de ce que nous sommes, tout ce que Dieu se plaît à être à notre égard, c'est AMOUR. Au chapitre 7 de l'épître aux Romains nous est décrit l'état d'une âme vivifiée, mais dont tous les raisonnements se concentrent en elle-même... Elle ne connaît pas la grâce, le simple fait que, quel que soit son état, DIEU EST AMOUR, et rien qu'amour à notre égard. Au lieu de regarder à Dieu, il n'est question que de "moi", "moi", "moi". La foi regarde à Dieu, tel qu'Il s'est révélé Lui-même en grâce. Est-ce moi, est-ce mon état qui est l'objet de la foi? Non, la foi ne prend jamais pour objet ce qu'il y a dans mon coeur, mais la révélation que Dieu fait de Lui-même en grâce. La grâce se rapporte à ce que Dieu est et non à ce que nous sommes, excepté en ce que l'étendue de nos péchés ne fait que magnifier l'immensité de la "grâce de Dieu". Nous devons aussi nous rappeler que la grâce a pour objet et pour effet indispensable d'amener nos âmes dans la communion avec Dieu--de nous sanctifier en nous apprenant à connaître Dieu et à L'aimer; la connaissance de la grâce est donc la véritable source de la sanctification. Le triomphe de la grâce apparaît en ceci: c'est que lorsque l'inimitié de l'homme avait rejeté Jésus de la terre, l'amour de Dieu introduisit le salut par cet acte même--Il vint expier le péché de ceux qui L'avaient rejeté. En regard du développement le plus complet du péché de l'homme, la foi voit le déploiement le plus complet de la grâce de Dieu. Si j'ai le plus léger doute, la moindre hésitation au sujet de l'amour de Dieu, je me suis éloigné de la grâce. Je dirai alors: "Je suis malheureux parce que je ne suis pas ce que je voudrais être": là n'est pas la question. La vraie question est celle-ci: Dieu est-Il ce que nous voudrions qu'Il soit, Jésus est-Il tout ce que nous pouvons désirer? Si la conscience de ce que nous sommes, de ce que nous trouvons en nous-mêmes, a un autre résultat que d'accroître notre adoration pour ce que Dieu est, même en nous humiliant, nous sommes hors du terrain de la pure grâce... Y a-t-il du mécontentement et de la méfiance dans votre esprit? Voyez si la raison n'en serait pas que vous dites encore "moi", "moi", et que vous perdez de vue la grâce de Dieu. Il vaut mieux être occupé de ce que Dieu est, que de ce que nous sommes. Si nous regardons à nous-mêmes, c'est une preuve d'orgueil; c'est que nous n'avons pas réellement conscience que nous ne sommes bons à rien. Jusqu'à ce que nous ayons compris cela, nous ne pouvons détourner tout à fait nos regards de nous-mêmes et les porter sur Dieu. En regardant à Christ, c'est notre privilège de nous oublier nous-mêmes. La vraie humilité ne consiste pas tellement à penser du mal de nous-mêmes qu'à n'y pas penser du tout. Je suis trop mauvais pour mériter qu'on pense à moi. Ce dont j'ai besoin, c'est de m'oublier moi-même et de regarder à Dieu qui est digne de toutes mes pensées. Le résultat en sera nécessairement de nous rendre humbles à l'égard de nous-mêmes. Bien-aimés, si nous pouvons dire comme en Rom. 7: "Je sais qu'en moi, c'est-à-dire en ma chair, il n'habite point de bien", cela suffit en ce qui nous concerne nous-mêmes; dirigeons alors nos pensées vers Celui qui a eu à notre égard "des pensée de paix et non de mal", longtemps avant que nous ayons pensé quoi que ce soit de nous-mêmes. Considérons Ses pensées de grâce à notre égard, et retenons cette parole de la foi: "Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous?"

jeudi 9 février 2017

La Plénitude de Dieu Pour les Vases Vides (1 Samuel 4 et 7) Par C.H. Mackintosh

 L’homme à sa vraie place 


Ces deux chapitres illustrent de manière frappante un principe qui court à travers toute l’Écriture inspirée, à savoir que, dès l’instant où l’homme prend sa vraie place, la place qui lui revient vraiment, Dieu peut le rencontrer en grâce — et en grâce parfaite, gratuite, souveraine, sans pareil : la plénitude de Dieu attend des vases vide pour s’y épancher. Ce grand principe brille partout de la Genèse à l’Apocalypse. Le mot "principe" est insuffisant pour en rendre le sens, il est trop froid. Nous devrions en parler comme d’un fait divin, vivant, merveilleux, qui brille d’un éclat céleste dans l’évangile de la grâce de Dieu et dans l’histoire du peuple de Dieu, collectivement et individuellement, tant aux jours de l’Ancien que du Nouveau Testament. Il faut que l’homme soit à sa vraie place. C’est absolument essentiel. C’est là seulement qu’il peut avoir une juste vision de Dieu. Quand l’homme tel qu’il est, rencontre Dieu tel qu’il est, il y a une réponse parfaite à toutes les questions, une solution divine à toutes les difficultés. C’est sur le pied d’une ruine absolue et sans espoir que l’homme découvre une vue claire et libératrice, et le sens du salut de Dieu. C’est quand l’homme en a fini avec lui-même sous tous les aspects — son mauvais moi et son bon moi, son moi coupable et son juste moi — qu’il commence avec un Dieu Sauveur. C’est vrai au commencement de la vie, et c’est vrai tout le long du chemin. La plénitude de Dieu attend toujours des vases vides. La grande difficulté est de vider ces vases : quand on en arrive là, tout est réglé, car la plénitude de Dieu peut alors s’y déverser. Assurément, c’est une vérité de base, merveilleuse. Dans ces chapitres 4 et 7 de 1 Samuel, nous la voyons en application pour le peuple terrestre de l’Éternel, autrefois. Considérons un peu ces chapitres.

 1 Samuel 4 


 Au début du chapitre 4, Israël est battu par les Philistins ; mais au lieu de s’humilier devant l’Éternel, dans une vraie contrition et dans le jugement de soi-même à cause de leur terrible condition, et au lieu d’accepter leur défaite comme le juste jugement de Dieu, les voilà totalement insensibles et durs de cœur. "Et le peuple rentra dans le camp, et les anciens d’Israël dirent : pourquoi l’Éternel nous a-t-il battus aujourd’hui devant les Philistins ?" D’après ces paroles, il est bien évident que les anciens n’étaient pas à la place qui leur convenait. Ils n’auraient jamais prononcé le mot "pourquoi" s’ils avaient réalisé leur condition morale, et n’auraient que trop su le pourquoi de la situation. Il y avait du péché honteux au milieu d’eux — la conduite immorale d’Hophni et Phinées. "Et le péché de ces jeunes hommes fut très grand devant l’Éternel ; car les hommes méprisaient l’offrande de l’Éternel" (2:17). Mais hélas ! Le peuple n’avait aucun sens de sa terrible condition, et donc aucun sens du remède. C’est pourquoi ils disent : "Prenons à nous, de Silo, l’arche de l’alliance de l’Éternel, et qu’elle vienne au milieu de nous et nous sauve de la main de nos ennemis". Quelle illusion ! Quel aveuglement complet ! Il n’y a aucun jugement de soi-même, aucune confession du déshonneur porté sur le nom et le culte du Dieu d’Israël ; aucun regard vers l’Éternel dans une vraie contrition et un vrai brisement de cœur. Il n’y a rien, si ce n’est cette vaine pensée que l’arche les sauverait de la main de leurs ennemis. "Et le peuple envoya à Silo, et on apporta de là l’arche de l’alliance de l’Éternel des armées, qui siège entre les chérubins ; et les deux fils d’Éli, Hophni et Phinées, était là avec l’arche de l’alliance de Dieu". Quelle condition effrayante ! L’arche de Dieu associée à ces hommes impies dont la méchanceté allait attirer le juste jugement d’un Dieu saint et juste sur la nation tout entière. Rien ne pouvait être plus terrible, ni plus offensant pour Dieu que cette tentative téméraire d’associer Son nom et Sa vérité, avec la méchanceté. En toute circonstance, le mal moral est déjà mauvais, mais la tentative d’allier le mal moral au nom et au service de Celui qui est saint et véritable, est la forme d’iniquité la plus grande et la plus ténébreuse, et ne peut que faire éclater un jugement de Dieu très sévère. Ces sacrificateurs impies, les fils d’Éli, avaient osé souiller les lieux mêmes du sanctuaire par leurs abominations ; et maintenant c’étaient eux qui accompagnaient l’arche de Dieu au champ de bataille. Quel aveuglement et quelle dureté de coeur ! Cette expression : "Hophni et Phinées étaient là avec l’arche de l’alliance de Dieu" exprime dans sa brièveté la terrible condition morale d’Israël. "Et aussitôt que l’arche de l’alliance de l’Éternel rentra dans le camp, tout Israël se mit à pousser de grands cris, de sorte que la terre en frémit". Que ces cris étaient vains ! — Que cette vantardise était vide de sens ! — Que cette prétention était creuse ! Hélas, hélas ! tout cela fut suivi d’une défaite humiliante, et il ne pouvait en être autrement. "Et les Philistins combattirent, et Israël fut battu ; et ils s’enfuirent chacun à sa tente ; et la défaite fut très grande, et il tomba d’Israël 30.000 hommes de pied. Et l’arche de Dieu fut prise, et les deux fils d’Éli, Hophni et Phinées, moururent". Quel état de choses ! Les sacrificateurs tués ; l’arche prise ; la gloire partie. L’arche dont ils se vantaient, et sur laquelle ils avaient fondé leur espoir de victoire, la voilà maintenant entre les mains des Philistins, ces incirconcis. Tout était fini. Cette circonstance terrible — l’arche de Dieu dans la maison de Dagon — exprime l’histoire affligeante de la ruine et de la faillite totale d’Israël. Dieu veut de la réalité, de la vérité et de la sainteté chez ceux avec lesquels il daigne habiter. "La sainteté sied à ta maison, ô Éternel ! pour de longs jours" (Psaumes 93:5). C’était un privilège si élevé d’avoir l’Éternel faisant sa demeure au milieu d’eux ; mais la sainteté en était la contrepartie nécessaire. Dieu ne pouvait associer son nom avec le péché non jugé. Impossible. Cela aurait été le renversement de sa nature, et Dieu ne peut se renier lui-même. Le lieu où il veut habiter doit correspondre à sa nature et à son caractère. "Soyez saints, car moi je suis saint" (1 Pierre 1:16). C’est une vérité fondamentale et merveilleuse qui doit être retenue fermement et confessée avec révérence. Il ne faut jamais l’abandonner. Mais considérons un peu ce qu’il advint de l’arche au pays des Philistins. C’est tout à fait solennel et instructif. Israël avait faillit de façon évidente et avait péché honteusement. Ils s’étaient montrés totalement indignes de l’arche de l’alliance de l’Éternel ; et les Philistins avaient posé leurs mains incirconcises sur elle, se permettant carrément de l’introduire dans la maison de leur faux dieu, comme si l’Éternel Dieu d’Israël et Dagon pouvaient cohabiter ! Quelle présomption blasphématoire ! Mais la gloire qui s’en était allé d’Israël était revendiquée dans les ténèbres et la solitude du temple de Dagon. Dieu sera Dieu, même si son peuple fait défaut. En conséquence nous voyons que quand Israël a entièrement faillit à garder l’arche de Son témoignage, et l’a laissée passer dans les mains des Philistins, — quand tout est perdu dans les mains de l’homme, — alors la gloire de Dieu brille en puissance et en splendeur : Dagon s’écroule, et toute la terre des Philistins tremble sous la main de l’Éternel. Sa présence leur devient intolérable, et ils cherchent à s’en débarrasser au plus tôt. Il était démontré de manière irrécusable l’impossibilité absolue pour l’Éternel et les incirconcis de marcher ensemble. Il en était ainsi, il en est ainsi, il en sera toujours ainsi. "Quel accord de Christ avec Bélial ?... et quelle convenance y a-t-il entre le temple de Dieu et les idoles ?" (2 Corinthiens 6:15). Aucun, en tout état de cause. 

 1 Samuel 7 


 Passons maintenant au chapitre 7. Nous y trouvons un tout autre état de choses. Nous allons trouver ce qu’est un vase vide, et, comme toujours, la plénitude de Dieu attendant une telle condition. "Et il arriva que, depuis le jour où l’arche demeura à Kiriath-Jéarim, il se passa un long temps, vingt années ; et toute la maison d’Israël se lamenta après l’Éternel". Dans les chapitres 5 et 6, nous voyons que les Philistins ne pouvaient pas subsister avec l’Éternel. Au chapitre 7, nous voyons qu’Israël ne pouvait pas subsister sans Lui. C’est bien frappant et instructif. Le monde ne peut pas supporter l’idée même de la présence de Dieu. On le voit dès la chute, en Genèse 3. L’homme s’enfuit loin de Dieu avant même que Dieu ne le chasse du jardin d’Éden. Il ne pouvait supporter la présence divine. "J’ai entendu ta voix dans le jardin, et j’ai eu peur, car je suis nu, et je me suis caché". Il en a toujours été ainsi, dès lors et jusqu’à aujourd’hui. Comme quelqu’un l’a dit : "si vous pouviez mettre un homme inconverti dans le paradis, il ferait son possible pour quitter les lieux au plus vite". Combien c’est parlant ! Quelle marque sur toute la race humaine, et quelle preuve de la profondeur de la dépravation morale où peuvent sombrer les membres de cette race ! Si un homme ne peut pas supporter la présence de Dieu, où peut-il être à l’aise ? et de quoi n’est-il pas capable ? Question importante et solennelle ! Puis "toute la maison d’Israël se lamenta après l’Éternel". Vingt années, longues et tristes, se sont écoulées sans le sentiment béni de sa présence ; "et Samuel parla à toute la maison d’Israël, disant : si de tout votre cœur vous retournez à l’Éternel, ôtez du milieu de vous les dieux étrangers, et les Ashtoreths, et attachez fermement votre cœur à l’Éternel, et servez le lui seul, et IL" — non pas l’arche — "vous délivrera de la main des Philistins. Et les fils d’Israël ôtèrent les Baals et les Ashtoreths, et servir l’Éternel seul. Et Samuel dit : Assemblez tout Israël à Mitspa, et je prierai l’Éternel pour vous. Et ils s’assemblèrent à Mitspa, et ils puisèrent de l’eau et la répandirent devant l’Éternel ; et il jeûnèrent ce jour-là, et dirent là : Nous avons péché contre l’Éternel" (chapitre 7 versets 2 à 6) Quelle différence d’avec l’état de choses présenté au chapitre 4. Ici, les vases sont vides, prêts à recevoir la plénitude de Dieu. Il n’y a pas de vaines prétentions, ni recherche de moyens extérieurs de salut. Tout est réalité, tout est travail de cœur ici. Au lieu des cris de vantardise, il y a l’eau répandue — symbole saisissant et expressif d’une faiblesse absolue et la reconnaissance de n’être bon à rien. En un mot, l’homme prend sa vraie place ; et cela, nous le savons, est un signe précurseur assuré que Dieu va prendre la Sienne. Ce grand principe traverse, comme un merveilleux fil d’or, tout le long de l’Écriture, tout le long de l’histoire du peuple de Dieu, tout au long de l’histoire des âmes. Il est condensé dans cette expression si brève, mais de si vaste portée : "la repentance et la rémission des péchés" (Luc 24:47). La repentance est la vraie place de l’homme. La rémission des péchés est la réponse de Dieu. La repentance exprime que le vase vide ; la rémission des péchés exprime la plénitude de Dieu. Quand les deux se rencontrent, tout est réglé. Ceci présenté d’une façon très saisissante dans la scène de ce chapitre 7. Israël ayant pris sa vraie place, Dieu est libre d’agir en leur faveur. Ils ont confessé être eux même comme de l’eau répandue sur la terre, totalement impuissants et indignes. C’est tout ce qu’ils avaient à dire d’eux-mêmes, et cela suffisait. Dieu peut maintenant entrer en scène et s’occuper des Philistins rapidement. "si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?" "Et Samuel pris un agneau de lait, et l’offrit tout entier à l’Éternel en holocauste ; et Samuel cria à l’Éternel pour Israël ; et l’Éternel l’exauça. Comme Samuel offrait l’holocauste, les Philistins s’approchèrent pour livrer bataille à Israël" — Combien peu ils connaissaient Celui qu’ils venaient combattre, Celui qui allait à leur rencontre ! "Et l’Éternel fit tonner ce jour-là un grand tonnerre sur les Philistins, et les mis en déroute, et ils furent battus devant Israël… et Samuel prit une pierre, et la plaça entre Mitspa et le rocher, et il appela son nom Ében-Ézer (la pierre de secours), et dit : l’Éternel nous a secourus jusqu’ici". Quel contraste entre les grands cris d’Israël poussés au chapitre 4 et le tonnerre de l’Éternel au chapitre 7 ! Les premiers n’étaient que prétention humaine ; le second, la puissance divine. Ceux-là avait été aussitôt suivi d’une humiliante défaite ; celui-ci, d’un splendide triomphe. Les Philistins ignoraient ce qui s’était passé — l’eau répandue, les pleurs de repentance, l’offrande de l’agneau, l’intercession sacerdotale. Que pouvaient connaître des Philistins incirconcis de ces précieuses réalités ? Rien. Quand la terre frémissait sous les cris d’orgueil d’Israël, ils pouvaient se rendre compte de ce qui se passait. Les hommes du monde peuvent comprendre et apprécier l’auto satisfaction et la confiance en soi ; mais voilà justement ce qui repousse Dieu. À l’opposé, un cœur brisé, un esprit contrit, un esprit humble, voilà ce qui fait son plaisir. Quand Israël a pris cette place d’abaissement, la place du jugement de soi-même et de la confession, alors on entend le tonnerre de l’Éternel, et les armées des Philistins son dispersées et confondues. La plénitude de Dieu attend toujours que le vase soit vide. Vérité précieuse et bénie ! Puissions-nous entrer plus entièrement dans sa profondeur, sa plénitude, sa puissance et son étendue ! 

Rapports entre 1 Samuel 4 et 7 et Philadelphie et Laodicée d’Apocalypse 3 


 Avant d’achever ce court article, je voudrais juste mentionner que 1 Samuel 4 et 7 nous rappellent quelque chose des églises de Laodicée et Philadelphie, en Apocalypse 3. La première nous présente une condition que nous devrions scrupuleusement éviter ; la seconde, une condition que nous devrions cultiver avec diligence et sérieux. Dans la première, il y a une misérable auto-satisfaction, et Christ est laissé dehors. Dans la seconde, il y a la conscience de sa propre faiblesse, mais Christ y est exalté, aimé, et honoré ; Sa Parole gardée, et Son Nom estimé. Souvenons-nous que ces choses se poursuivent jusqu’à la fin. Il est très instructif de voir que les quatre dernières des sept églises donnent quatre phases de l’histoire de l’Église allant jusqu’à la fin. En Thyatire, nous trouvons le Romanisme ; en Sarde, le Protestantisme. En Philadelphie, comme nous l’avons dit, nous avons cet état d’âme, cette attitude de cœur, que tout vrai croyant, et toute assemblée de croyants devrait cultiver avec ardeur et manifester fidèlement. Laodicée, au contraire, présente un état d’âme et une attitude de cœur qu’il faut rejeter avec une sainte crainte. Philadelphie est aussi attirante pour le cœur de Christ, que Laodicée lui est répugnante. De la première, Il en fera un pilier dans le temple de Son Dieu ; la seconde, il la vomira de sa bouche, et Satan la prendra et en fera le repaire de tout oiseau immonde et exécrable ! (Apocalypse 18:2). Combien cela est effrayant pour tous ceux qui participeront à ce désastre. N’oublions jamais que la prétention à être Philadelphie manifeste l’esprit de Laodicée. Là où vous trouvez toute sorte de prétention, d’affirmation du moi, d’auto satisfaction, vous avez Laodicée, en esprit et en principe — que le Seigneur veuille en délivrer tout Son peuple ! Bien-aimés, soyons contents de n’être rien dans cette scène d’auto exaltation. Que notre aspiration soit de marcher dans l’ombre, en ce qui concerne les pensées humaines, et ne jamais nous éloigner de l’approbation du Père. En un mot, rappelons nous que "la plénitude de Dieu attend toujours des vases vides".