5Les apôtres
dirent au Seigneur : Donne-nous plus de foi. 6Le Seigneur répondit : Si
vous aviez de la foi comme une graine de moutarde, vous diriez à ce
sycomore : « Déracine-toi et plante-toi dans la mer », et il vous
obéirait.
7Qui
de vous, s'il a un esclave qui laboure ou fait paître les troupeaux,
lui dira, quand il rentre des champs : « Viens tout de suite te mettre à
table ! » 8Ne lui dira-t-il pas au contraire : « Prépare-moi à dîner,
mets-toi en tenue pour me servir, jusqu'à ce que j'aie mangé et bu ;
après cela, toi aussi, tu pourras manger et boire. » 9Saura-t-il gré à
cet esclave d'avoir fait ce qui lui était ordonné ? 10De même, vous
aussi, quand vous aurez fait tout ce qui vous a été ordonné, dites : «
Nous sommes des esclaves inutiles, nous avons fait ce que nous devions
faire. »
Donne-nous
plus de foi. La demande des apôtres est pressante. On dirait presque
que la foi leur apparaît presque aussi nécessaire que l'oxygène. Il faut
dire que Jésus vient de leur asséner un vrai coup dans la figure.
Dans
les passages qui précédent notre texte, Jésus prononce en effet des
paroles très dures: « Malheur à celui qui entraîne les autres à pécher;
il vaudrait mieux pour lui qu'on lui attache au cou une grosse pierre et
qu'on le jette dans la mer » (Luc 17.1-2) ou encore « Si ton frère se
rend coupable à ton égard sept fois en un jour et que chaque fois il
revienne te dire : “Je le regrette”, tu lui pardonneras. » (et Matthieu
précise que Jésus demande même qu'on pardonne 77x7 fois!!).
Avertissement
solennel contre ceux qui font chuter leurs frères et soeurs, obligation
d'une attitude de pardon complet et radical: les apôtres sentent sur
leurs épaules tout le poids des exigences exorbitantes de Jésus. Alors,
conscients de leur faiblesse et de leur incapacité à obéir à ces
commandements, ils se tournent vers Christ et implorent son aide. Cette
attitude est saine, mais elle manque quand même la cible.
Elle
est saine parce que la Loi a fait son oeuvre dans le coeur des apôtres.
La Loi, c'est en fait tout ce que Dieu exige de nous et qui peut se
résumer ainsi: « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de
toute ton âme, de toute ta pensée et ton prochain comme toi-même ».
Paroles magnifiques, mais aussi terribles, parce qu'il nous suffit de
regarder dans nos actions, nos paroles et nos pensées pour nous rendre
compte à quel point nous manquons d'amour. Nous sommes bien loin du but!
Nous n'y arrivons pas, malgré tous nos efforts! La Loi fait son oeuvre:
elle montre nos manquements et nous incite à regarder ailleurs qu'en
nous-mêmes, vers Dieu lui-même.
C'est
ce que font les apôtres, mais c'est aussi là qu'ils manquent la cible: «
donne nous plus de foi ». Les apôtres ont l'air de considérer la foi
comme une sorte de puissance, une énergie, un peu comme s'ils étaient
les gaulois du village d'Astérix qui demandent la potion magique au
druide quand les Romains attaquent! On dirait que pour les apôtres, la
foi peut être comptée, pesée.
Cela
me rappelle cette fois où j'ai entendu dire, après qu'un chrétien soit
décédé d'une longue maladie: « nous n'avons pas eu assez de foi quand
nous avons demandé sa guérison dans la prière ». C'est le genre de
parole bien pieuse et totalement anti-biblique qui me révulse. Ce n'est
pas comme si nous avions besoin d'un gramme de foi pour une journée
ordinaire, de 10 grammes pour passer le Bac et de 10 kg pour affronter
victorieusement un cancer! Si nous pensons que Dieu n'a pas répondu
comme nous le voulions à une de nos prières, ce n'est pas par manque de
foi. Avec Dieu tout est possible, mais cela ne veut pas dire que ce «
tout » s'intègre dans le plan de Dieu.
Les
apôtres se sont placés sur le plan de la quantité. Il leur faut plus de
foi. Leur problème, c'est qu'il ne comprennent justement pas ce qu'est
la foi, et comment elle « fonctionne ». C'est ce que Jésus va leur
expliquer.
Si
vous aviez de la foi comme une graine de moutarde, vous diriez à ce
mûrier : « Déracine-toi et plante-toi dans la mer », et il vous obéirait
La
graine de moutarde est une des plus petites qui existent. Ce n'est donc
pas une question de quantité dit Jésus. Une mesure presque infime de foi
est suffisante pour accomplir quelque chose d'extraordinaire, comme
envoyer un sycomore (un grand arbre avec des racines très étendues et
profondes) dans la mer. Or, dans le texte original, Jésus emploie un
conditionnel qui devrait être traduit ainsi « si vous aviez de la foi
comme une graine de moutarde, et vous l'avez... »
C'est
un peu comme une femme qui attend un enfant. Vers la fin de la
grossesse de mon épouse, quelqu'un m'a dit « tiens, j'ai vu ta femme
l'autre jour, elle est très enceinte maintenant ».
L'expression
m'a fait sourire, parce qu'on est pas très enceinte ou un peu enceinte.
On est enceinte ou on ne l'est pas, et peu importe que l'ovule vienne
juste d'être fécondé ou qu'on soit à la fin du neuvième mois!De la même
façon, la question n'est pas d'avoir beaucoup de foi ou peu de foi. La
question est de savoir si on a la foi ou non. Jésus invite donc les
apôtres à entrer dans une nouvelle dimension, à réaliser le potentiel
que la foi a placé en eux.
La
foi ne se mesure donc pas à la louche. Ce qui compte, ce n'est pas son
poids ou sa grandeur, mais sa réalité. Qu'est-ce que la foi? Nous avons
déjà vu ce qu'elle n'est pas: une sorte de puissance magique, de
talisman mental. La foi n'est pas non plus une supériorité
intellectuelle qui nous permettrait de sonder tous les mystères de
l'univers et de nos existences en ayant toujours les bonnes réponses.
Notre
moi « foi » vient du latin « fides » qui voulait dire « confiance ». La
foi, c'est simplement la confiance. Nous avons tous foi en quelque
chose. Certains mettent leur confiance dans leur compte en banque,
d'autres dans leur famille, les chrétiens sont ceux qui placent leur
confiance en Dieu. Les chrétiens sont ceux qui se confient en Christ, en
son message, en ce qu'il a fait pour le monde.
Avoir
foi en Jésus, cela veut se reposer sur lui, lui faire confiance pour
nous donner ce nouveau regard qui va nous permettre de voir différemment
notre vie et le monde qui nous entoure. Et si nous plaçons notre
confiance en Jésus, malgré les doutes qui nous
assailleront certainement, alors de
grandes choses pourront s'accomplir.
L'autre
élément de la foi, c'est la loyauté, la fidélité. Le chrétien est
fidèle envers son Dieu, dont il a tant reçu. C'est ce que Jésus cherche à
faire comprendre dans la seconde partie de notre texte, quand il
raconte l'histoire de cet esclave qui n'est pas remercié après avoir
accompli toute ses tâches. Ce n'est pas ici que Jésus approuve
l'esclavage, il utilise juste une image courante de son époque pour
faire passer une vérité d'ordre spirituel.
Pourquoi
les apôtres demandent-ils à avoir plus de foi? Pour pouvoir avoir la
force d'obéir aux commandements. Pourquoi toutes les religions du monde
disent-elle aux humains d'obéir à Dieu? Pour gagner ses faveurs!
En
utilisant cette image abrupte, Jésus veut nous faire comprendre que
Dieu ne nous devra jamais rien. Nos oeuvres ne nous permettront jamais
d'acquérir un statut auprès de lui. Quand bien même nous réussirions à
aimer Dieu de tout notre coeur et notre prochain comme nous-mêmes, nous
n'aurions rien fait d'extraordinaire, mais seulement ce qui est exigé
de nous. Nous en sommes loin!!
Notre
fidélité envers Dieu n'est donc pas mue par le désir de gagner des
points auprès du Seigneur ou de se faire bien voir d'on ne sait qui. Un
homme n'est pas fidèle à son épouse par respect des convenances sociales
ou parce qu'il en attend une récompense. Il lui est fidèle parce qu'il
l'aime, et c'est bien l'amour qui doit être au coeur de notre relation
avec Dieu, un amour qui est venu de Dieu en premier.
Jésus
n'aura jamais à nous dire « merci de me faire confiance, merci de
m'être fidèle ». Ce sera plutôt à nous de lui dire « merci Jésus parce
que je peux te faire confiance, merci Jésus parce que tu es fidèle ».
Voilà
aussi ce qu'apporte la foi: l'assurance que Jésus nous a déjà donné ce
dont nous avions besoin pour être sauvés, restaurés, et que nous n'avons
plus à être sous l'esclavage de la Loi.
Jésus
nous a parlé aujourd'hui de ce sycomore envoyé dans la mer. Envoyé? Pas
tout à fait. Car le texte dit bien « planté ». Planté, c'est-à-dire
enraciné, capable de porter du fruit et de grandir. Et bien, c'est bien
cela que la foi permet. Le sycomore, ce grand arbre, c'est le symbole de
la vie dans toute sa force. La mer, pour les Hébreux, c'est le symbole
de la mort.
La
foi, c'est la main vide et tendue qui permet à Dieu de planter dans
toutes nos morts (espoirs déçus, relations brisées) toute la puissance
d'une nouvelle vie. C'est ce que le Seigneur veut faire pour chacun de
nous, car il est le Dieu de la vie, parce que son Fils a vaincu la mort.
Alors, ouvrons nos coeurs à cette nouvelle vie, à cet amour qui vient
du Père. Faisons lui confiance pour tenir toutes les promesses qu'il
nous fait dans sa Parole. Il est fidèle et il nous le montrera.
Amen +
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